ANALYSE FILMIQUE — The Neon Demon

Nicolas Winding Refn possède sa notoriété actuelle grâce à des films traitant principalement du thème de la masculinité — que ce soit sa célébration, Drive, ou sa déconstruction, Only God Forgives — souvent accompagné d’une sublimation presque fétichiste de la violence graphique : en cela The Neon Demon est probablement l’œuvre la plus à part au sein de sa filmographie. Le réalisateur danois possède un style unique d’un point de vue formel mais aussi narratif : il use souvent de la symbolique comme d’un embrayeur du récit — et ce depuis Bronson, qui représente le moment où il a décidé de faire des films pour lui et non pour les autres, de faire les films qu’il voulait voir à l’écran et non que le public voulait voir. De part leur jusqu’au-boutisme, les films de Nicolas Winding Refn ne cessent de diviser, du côté des critiques comme du côté des spectateurs, et l’on pourrait facilement faire une analogie entre les réactions polarisantes qu’a pu susciter The Neon Demon à sa sortie et sa fin. Dans celle-ci, une mannequin, incapable de supporter la chair qu’elle a avalée, régurgite un œil ; peu après, une autre mannequin, subjuguée par ce spectacle, dévore sans hésitation l’œil recraché par la première.

LA BEAUTÉ : LE CENTRE DU FILM 

The Neon Demon est une idée qui a germé pendant longtemps dans la tête de Nicolas Winding Refn. Elle a néanmoins pris une forme plus concrète lorsque le réalisateur s’est rendu compte que le monde dans lequel évoluait ses filles est un univers où la beauté est un facteur qui domine tellement la vie des jeunes adolescentes que s’en est un film d’horreur. The Neon Demon ne traite donc pas particulièrement du monde de la mode. Ce dernier n’est qu’un point d’ancrage pour développer un thème plus large : la beauté, dans toute sa splendeur comme dans toute son horreur — car la beauté n’est pas qu’une question d’apparence, des éléments négatifs peuvent en découler comme l’envie ou la jalousie. Le thème de la beauté peut paraître superficiel à première vue et le réalisateur en est tout à fait conscient mais, selon lui, ce thème possède également sa part de complexité s’il est analysé par le prisme de la relation que l’on possède vis-à-vis de la beauté : chose à la fois superficielle mais, de par sa nature même, attractive. S’en suit alors un autre degrés de complexité, celui du tabou que représente la beauté dans notre société contemporaine alors que, paradoxalement, elle n’a jamais été aussi importante que de nos jours — à l’ère des réseaux sociaux où, pour citer directement le film : « Beauty Isn’t Everything, It’s the Only Thing », puisque tout n’est que dans le paraître. Il est également important de noter que cette dissection de la beauté se veut d’un point de vue non critique, c’est-à-dire que Nicolas Winding Refn cherche avant tout à créer une réaction par le biais d’une expérience marquante et dérangeante, à être une singularité dans le paysage cinématographique actuel, et non à déterminer si la beauté est quelque chose de bon ou de mauvais en soit.

Avec The Neon Demon, Nicolas Winding Refn cherche donc à réaliser un film d’horreur pour adolescente qui serait outrancier, coloré et vulgaire selon ses propres dires. C’est pour cela que le point de départ de l’intrigue est si simpliste : il correspond à une sorte fantasme moderne où le seul fait de paraître permettrait d’exister, un univers où le paraître serait être, et en même temps reste un schéma de narration extrêmement classique dans le déroulement du récit. Il ne faut cependant pas faire un amalgame entre simplicité et fainéantise : le film est tourné dans l’ordre chronologique des scènes pour permettre aux acteurs de mieux apprivoiser leurs rôles mais aussi car cela permet une plus grande liberté dans la création — au point que la fin a été modifiée au milieu du tournage. Toutefois, tourner dans l’ordre chronologique implique de revenir plusieurs fois sur un même lieu, ce qui augmente drastiquement les coûts de production. Toujours dans cette idée de simplicité qui est bénéfique au film, Nicolas Winding Refn s’entoure de deux femmes pour écrire les dialogues. Egalement, pour coller au mieux à la réalité, il engage Abbey Lee, une mannequin professionnelle, pour jouer le rôle de Sarah et Elle Fanning dans le rôle titre — que réalisateur considère née pour incarner le rôle de Jesse et qui est, toujours selon lui, l’incantation du Neon Demon (Elle Fanning en tant qu’actrice, non pas le personnage qu’elle interprète) .

ADÉQUATION ENTRE THÉMATIQUES ET IMAGERIE

Nicolas Winding Refn fait parti de ces réalisateurs vouant un culte à l’image, la thématique de la beauté est ainsi toute trouvée pour lui. Avec The Neon Demon, le réalisateur cherche en priorité la beauté plastique : ses plans sont tous magnifiques, d’une précision technique et d’une démesure monstres. Il joue sur la symétrie des éléments dans le cadre, sur la géométrie des décors, sur le contraste des couleurs, ce qui amène un rendu hautement sophistiqué à l’écran. Au point où l’on pourrait reprocher à The Neon Demon de ressembler à une pub de parfum, mais là est tout le but. Tel Stanley Kubrick et les tableaux du XVIIIe siècle inspirant les images de son Barry Lyndon, Nicolas Winding Refn met l’esthétique de son film en accord avec le sujet qu’il traite et son univers. Et si The Neon Demon traite thématiquement de la beauté par le biais du monde la mode comme environnement, c’est parce que les deux vouent un culte absolu au beau : tous deux le recherchent à tout prix, s’en nourrissent. C’est donc pour cela que les plans ressemblent à des photographies de magazines, notamment dans leur aspect souvent très fixe, c’est pour cela que la lumière est souvent tape-à-l’œil et la composition du cadre très travaillée : le but est de créer une harmonie visuelle pour faire ressortir cette esthétique glamour et idéalisée de la cité des Anges — que l’on pouvait déjà retrouver dans Drive d’ailleurs.

En revanche, la glamourisation de ce monde ne durera pas et sera vite transformée en une atmosphère macabre et toujours plus surréaliste. The Neon Demon nous interroge dès son premier plan sur son propre sens de la réalité : ce que l’on pense être de prime abord une mise en scène morbide ne s’avère être qu’une simple séance photo au final — de tels exemples ne cesseront de se multiplier et de se complexifier au fur et à mesure que le film progressera. On navigue de la cité des rêves à celle des cauchemars, à la manière d’un Suspiria ou d’un Mulholland Drive, ce qui est appuyé par les compositions de Cliff Martinez. Elles aussi ont un côté volontairement publicitaire, factice, ce qui se ressent surtout par l’utilisation que Nicolas Winding Refn en fait (en les synchronisant avec les images pour démarrer une nouvelle scène, par exemple). Dans The Neon Demon, la musique fait ressortir l’atmosphère d’une scène : se limitant d’abord à de simples nappes de synthé, amenant un côté légèrement onirique, elle prend un aspect bien plus mystérieux dès la scène du puma dans la chambre d’hôtel, la première scène où l’anormal se joint à la réalité du film, afin de faire ressortir l’étrangeté de la situation. Les compositions cristallines et hypnotiques de Cliff Martinez, presque aliens à vrai dire, deviennent par la suite de plus en plus détraquées. Cela appuie une impression de danger imminent, et ce jusqu’au climax auditif du film, lors du — littéral — bain de sang après le meurtre de Jesse.

LES COULEURS

Analyser un film de Nicolas Winding Refn, et en particulier son esthétique, nécessite un passage obligé du côté de la couleur. La colorimétrie des œuvres de Refn est basée sur le daltonisme du réalisateur. C’est pour cela que les images de ses films sont toujours très contrastées et colorées, parce que c’est la seule chose qu’il perçoit correctement. Dans The Neon Demon, trois couleurs ressortent principalement et symbolisent toutes quelque chose de différent. Il y a d’abord le bleu lié, entre autre, au narcissisme d’après la directrice photo Natasha Braier ; le rouge, qui revient très souvent dans les œuvres de Nicolas Winding Refn, et qui est le symbole du danger ; et le violet, le mélange du bleu et du rouge, donc le danger du narcissisme — ou lorsque narcissisme et danger sont présents dans la même scène, comme lors de la première rencontre entre Jesse et le trio dans les toilettes de la boîte de nuit. Le blanc et l’or jouent également un rôle important, étant ici les symboles respectifs de la pureté et de la gloire. Comme à son habitude, Refn utilise les couleurs et leurs significations pour diriger et faire avancer son récit. Par exemple, la première séance photo professionnelle de Jesse se fait sur un fond blanc avant qu’elle ne se retrouve couverte d’une peinture couleur or par le photographe : symboliquement, il transforme l’innocence de Jesse, sa beauté pure, en or, en gloire, car de cette séance photo découlera tout le reste de l’intrigue.

Si l’on prend maintenant l’exemple de la séquence surréaliste du défilé, la séquence centrale du film, le passage du bleu au rouge montre que le narcissisme de Jesse — qui était jusqu’alors consciente de sa beauté, comme elle l’exprime lors de sa discussion avec Dean, mais plutôt réservée à ce sujet — devient un danger pour elle. Elle embrasse son propre reflet, elle tombe amoureuse d’elle-même, elle accepte son narcissisme. Le changement de couleur correspond ainsi à un changement de valeur pour Jesse dans son caractère, passant d’ingénue à hautaine, et également dans son apparence. Mais c’est surtout ce qui entraîne sa mort, sa chute dans la piscine, tel Narcisse tombé amoureux de son reflet au point d’en mourir — la couleur bleu pour représenter le narcissisme vient de là, c’est la couleur de l’eau dans laquelle il tombe — et tel Icare chutant dans la mer Icarienne en voulant atteindre le Soleil. Le sort de Jesse est scellé lorsqu’elle passe à travers le triangle rouge, dont la couleur inonde ensuite l’écran.

LES TRIANGLES

La figure du triangle peut représenter beaucoup de chose : la féminité, le système pyramidal dans lequel évolue Jesse, un symbole de sorcellerie, une figure du changement, du renouveau, ou même une porte vers un autre monde.

En réalité, le symbole du triangle représente, très vraisemblablement, celui des prédateurs qui entourent Jesse, notamment car le triangle de The Neon Demon est en fait trois petits triangles dans un plus grand triangle, comme s’ils l’encerclaient. Effectivement, la figure des prédateurs est toujours par trois dans le film, qu’on considère les hommes ou les femmes, et tous gravitent autour de Jesse. Elle pense être assez forte pour rivaliser avec eux mais, malgré sa force, elle se fera littéralement dévorer, telle une proie, par ce monde de tous les dangers.

LES PRÉDATEURS ET PRÉDATRICES

Les prédateurs sont l’avertissement des dangers du monde de la mode pour Jesse, donc les dangers qu’elle encoure à cause de sa beauté. Cela est d’abord montré par la scène du puma dans la chambre d’hôtel, mais il y a également le léopard empaillé dans la maison que garde Ruby et, surtout, le loup qui trône au-dessus d’elle juste avant le meurtre de Jesse, symbole que Ruby est la chef de meute, ici le trio de filles.

Cette symbolique de la proie-prédateur est exprimée dès les premières minutes du film. Lors de la première rencontre entre Jesse et Ruby, cette dernière complimente la mannequin sur ses yeux de biches : Jesse est dès le début une proie aux yeux de Ruby. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont les femmes qui sont le réel danger pour Jesse et non les hommes (enfin ce ne sont pas non plus des enfants de chœur). Et au-delà de ça, il y a une déconstruction catégorique des préjugés sur les personnages pendant tout le long du film : ils ne sont jamais ce qu’ils semblent être au premier abord. Cela souligne la fausseté de cette société du paraître dans laquelle évolue Jesse ; mais celle-ci n’est pas en reste non plus, puisqu’elle ment sur son âge pour y entrer. Dans l’univers de The Neon Demon, tout le monde ment sur ce qu’il est réellement, que ce soit Gigi et sa beauté plastique ou Dean et son hypocrisie envers les raisons de ses sentiments pour Jesse.

Toutefois, l’exemple de faux-semblant le plus probant est sûrement le personnage de Ruby. Elle semble être une ange gardienne en début de film mais s’avère être tout l’inverse par la suite. Nicolas Winding Refn a porté une attention toute particulière sur ce personnage. Effectivement, le rouge est le symbole du danger dans le film et le nom de Ruby fait référence à une pierre précieuse rouge. D’autant plus, ses cheveux sont rouges, sa tenue est toujours composée d’au moins un vêtement rouge, son rouge à lèvres est rouge et elle finit par se baigner dans le sang de Jesse, telle une Élisabeth Báthory, sang qu’elle rejette dans les minutes qui suivent à la lueur de la Lune. Somme toute, Ruby est l’incarnation même du danger pour Jesse car elle n’est pas juste jalouse de sa beauté, elle veut la posséder. Subséquemment, chaque personnage de The Neon Demon qui gravite autour de Jesse est une expression ou une réaction à sa beauté, que ce soit le photographe qui manufacture sa pureté en célébrité, le créateur de mode qui est subjugué par elle ou Sarah qui jalouse sa beauté et sa jeunesse.

LES MIROIRS

Forcément que dans un film sur une société du paraître et encourageant le narcissisme on retrouve une omniprésence des miroirs. Refn les utilise à outrance pour faire évoluer sa narration et toujours avec une signification légèrement différente à chaque fois. Parmi les différentes utilisations qui sont faites des miroirs, on peut noter :

La première discussion entre Ruby et Jesse, qui se fait grâce aux reflets interposés des miroirs. Cela pour appuyer le fait que Ruby n’est intéressée que par la beauté de Jesse. Egalement, cela indique dès le début que Ruby mène un double jeu.

Lors de la première discussion entre les quatre filles dans les toilettes, le reflet de Sarah dans le miroir souligne sa jalousie envers Jesse et le reflet de Jesse montre qu’elle est mal à l’aise, qu’elle n’est pas à sa place. Elle est d’ailleurs tout le temps avec un autre personnage dans le cadre lors de cette scène — les prédateurs la traquent déjà, sans qu’elle ne le sache —, sauf dans le dernier plan où elle se retrouve seule face à son reflet.

Les miroirs sont aussi une source de confrontation entre Gigi et Jesse avant le défilé : les deux femmes sont dans un face à face et leurs reflets respectifs, encadrés par des néons, mettent en exergue ce sur quoi la confrontation porte et quels en sont les enjeux.

Ils soulignent la décision d’entrer dans le monde de tous les dangers : ce plan est rythmé par un lent zoom qui se focalise de plus en plus sur le miroir, jusqu’à ce que le cadre soit entièrement absorbé dans le reflet lorsque Jesse signe les papiers de l’agence.

Dans The Neon Demon, les miroirs symbolisent également la peur d’être remplacée par une autre, lorsque que Gigi en brise un pour ne plus voir son reflet, ils peuvent également être le lancement d’une mise à mort ou l’acceptation de son narcissisme pour le personnage de Jesse.

LES FLEURS

Les fleurs ornent le papier peint de la chambre d’hôtel de Jesse et représentent l’innocence. Cette innocence qui est détruite lorsque les fleurs du papier peint se retrouvent dans l’obscurité lors de la scène du viol de la lolita — on remarquera d’ailleurs que cette séquence est la seule du film à ne pas synchroniser l’image au son, le plan reste sur Jesse écoutant derrière le mur mais on l’entend téléphoner à Ruby, ce qui peut faire penser que Jesse est encore dans son rêve à ce moment-là.

Un événement déjà annoncé quand des mains tentent de traverser le papier peint de la chambre de Jesse après qu’elle soit tombée dans les pommes en tentant d’attraper les fleurs que Dean lui offre. C’est à ce moment, également, qu’apparaît pour la première fois la figure du triangle.

L’innocence qui survient pour la dernière fois sous la forme de fleurs violettes près de la tombe de Jesse. Symbole, encore une fois, de la déchéance narcissique de la jeune femme.

MORT, BEAUTÉ ET ANTHROPOPHAGIE

Dans un film tel que The Neon Demon, le cannibalisme peut représenter bien des choses. On peut y voir une métaphore des problèmes alimentaires dans le monde de la mode et chez les adolescentes (malgré de nombreuses scènes prenant place dans des restaurants ou des cafés, aucun personnage n’est vu entrain de manger), une forme de vampirisme moderne (la première fois qu’il est question de cannibalisme, c’est quand Sarah tente de boire le sang de Jesse — une vierge pure — et il est également question du reflet et du soleil dans cette séquence) ou un symbolisme poussé de la chaîne alimentaire impitoyable qui règne dans le microcosme. Néanmoins une autre interprétation semble être plus en adéquation avec le reste du film. Le fait de manger quelqu’un ou quelque chose revient, dans certaines cultures, à acquérir une caractéristique particulière de ce qui est mangé : ici, la beauté de Jesse. Ceci est préparé dès le début du film lors de la première rencontre entre les prédatrices et leur proie, dans la séquence de la boîte de nuit. Lors de celle-ci, le trio de cannibales demandent à Jesse si elle est plutôt nourriture ou plutôt sexe — c’est-à-dire, quelle type de proie est-elle exactement ? Et vu que Jesse repousse les avances de Ruby plus tard dans le film, elle devient par conséquent de la nourriture.

Du thème du cannibalisme découle celui de la nécrophilie et une scène en particulier, celle du rapport sexuel entre Ruby et un cadavre dans la morgue, et, avec elle, le lien entre les thématiques de la beauté et de la mort. Ces deux thématiques sont liées dès le premier plan du film par la mise en scène morbide de Dean mais ce lien s’étend au-delà de cette simple séquence, à l’image du personnage de Gigi dont la beauté refaite essaye d’effacer les traces du temps donc, inévitablement, la mort, ou de la scène de la Demon Dance qui lie, elle, souffrance, sexe et beauté. Le sexe, la mort et la beauté se retrouvent donc liés lors de la scène de nécrophilie. Le fait que ce soit le personnage de Ruby au centre de cette scène n’est pas surprenant puisque, contrairement à Sarah et Gigi, Ruby n’est pas jalouse de la beauté de Jesse, elle désire la posséder (ici, par le sexe). D’autant plus que Nicolas Winding Refn opte pour un montage parallèle entre Ruby et Jesse. Se pose alors la question : est-ce un fantasme de Ruby ? Est-ce la réalité ? En tout cas une chose est sûre dans cette scène, le personnage de Jesse, cette beauté pure et narcissique, décide de perdre sa virginité avec la personne qu’elle aime le plus : elle-même.

ŒIL ET ASTRES

L’œil possède une signification toute particulière dans The Neon Demon, dérivée de la thématique principale, puisque l’œil est notre unique rapport à la beauté plastique, notre unique moyen de la percevoir — : « Beauty lies in the eye of the beholder. » L’œil, celui de Jesse, est également la première et la dernière chose que l’on voit dans le film ; cet œil est même l’élément central de la scène de fin, et c’est l’une des premières choses que Ruby mentionne à Jesse lors de leur première rencontre : ses yeux de biches. D’autant plus, le film associe l’œil à la Lune — lorsque Jesse dit à Dean qu’elle prenait la Lune pour un œil quand elle était petite. La Lune ne fait que refléter la lumière du Soleil pour briller dans le ciel et, lors de la confrontation dans les toilettes, Sarah dit de Jesse qu’elle est le Soleil en plein milieu de l’hiver. L’idée derrière cette symbolique entrelacée étant que les filles ne seront que le reflet de Jesse en mangeant son œil, c’est-à-dire en éliminant la concurrence mais, surtout, en allant chercher la beauté pure à son origine, ce qui englobe toute l’idée du film sur la beauté naturelle non-manufacturable, innée : on ne peut pas « re-créer » la beauté naturelle. Idée également appuyée par le monologue de Jesse avant sa mort.

EN CONCLUSION :

The Neon Demon n’est pas une dénonciation du monde de la mode ou de notre rapport avec la beauté — une telle critique aurait été bien vaine et c’est sûrement ce qui pousse certains à parler de superficialité pour décrire le film. Certes, Jesse se fait littéralement dévorer par ce monde anthropophage avide de jeunesse et de beauté ; néanmoins, il s’agit-là davantage d’un constat que d’une critique. Plus exactement, The Neon Demon est une œuvre vouant un culte au narcissisme car c’est, selon son réalisateur, ce à quoi notre société aspire dans le futur En ce sens, The Neon Demon peut être qualifié de superficiel mais sa superficialité est délibérée : tout le film est basé uniquement sur la forme, sur la beauté plastique ; c’est un culte de la beauté (presque un culte du culte de la beauté, dans une certaine mesure), autant dans ses ambitions filmiques que dans ses thématiques sous-jacentes. The Neon Demon est à l’image de la beauté telle que Nicolas Winding Refn la conçoit : superficielle, car le film cherche avant toute chose le beau, et complexe, car cette recherche du beau n’est pas possible sans un certain effort, ici de mise en scène. The Neon Demon est avant toute chose une ode à la créativité, à la singularité, à la beauté et au cinéma.

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